"4 Mai 1758: Voici maintenant quatre jours que nous errons dans ces régions désolées à la poursuite des prussiens. Pas la moindre trace des soldats de Frederic. Les seuls villages que nous avons traversé étaient complètement abandonnés, comme si bêtes et gens avaient brusquement pris la fuite.
7 Mai 1758: Hier, en fin d'après-midi nous avons enfin repéré l'ennemi. Après un bref échange de tir, les Feldjäger ont pris la fuite. Mes hommes étaient épuisés, il était tard, nous avons décidé de camper sur place. La proximité de l'ennemi rendant les hommes inquiets, j'ai fait doubler la garde.
Grand bien m'en a pris! En pleine nuit, un poste de sentinelles a été attaqué par un loup gigantesque.
La bête a tué quatre hommes et en a blessé autant avant d'être mise en fuite. Que Dieu m'en soit témoin, je n'avais jamais vu d'animal aussi grand et aussi féroce. Nos balles semblaient n'avoir aucune emprise sur lui et nos baionettes lui ont bien percé le flanc à dix reprises avant qu'il ne prenne la fuite.
8 Mai 1758: Le moral est au plus bas. Les hommes parlent de maléfices et de diableries. Un blessé est mort à l'aube. Il nous fau faire soigner les autres avant qu'ils ne subissent le même sort.
11 Mai 1758: Avant-hier, j'ai laissé les blessés à la garde de leurs camarades sous le commandement du sergent Antonescu et je suis parti à la tête d'une trentaine d'hommes à la recherche d'un village ou nous aurions pu trouver des charettes pour tansporter nos blessés pour rejoindre l'armée.
En milieu de matinée, nous sommes arrivés dans un petit hameau. Il était vide, comme tous ceux que nous avons traversé ses derniers jours. Mes hommes se sont dispersés pour rechercher de charettes à bras dans les cours et dans les granges.
Rapidement, nous avons entendu des coups de feu à l'autre extrêmité du village puis un étrange chant. La terre s'est alors soulevé autour de nous et des cadavres en sont sortis.
Comment tuer ce qui est déjà mort ?
Nos avions beau leur tirer dessus ou leur passer nos sabres en travers du corps, ils continuaient à avancer sur nous. Lorsque ces choses ont égorgé Ivan Vladic avec leurs ongles et leurs dents, la plupart des hommesont pris la fuite.
Les cadavres étaient lents mais ils étaient partout. Nombreux sont les fuyards qui ont été rattrappés et dévorés. J'ai rassemblé quelques vétérans autour de moi et nous avons tenté de repousser les morts.
Stepan a remarqué qu'ils ne se relevaient plus quand nos balles ou nos lames les atteignaient à la tête. C'est ce qui nous a permis de nous dégager.
Nous sommes sortis du village, poursuivi par les cadavres et avons atteint la lisière de la forêt. Là, nous avons couru à toutes jambes droit devant nous jusqu'à ce que nous tombions d'épuisement.
Je n'ai pas cherché à retrouver le sergent Antonescu et nos blessés. Dieu ait pitié de leurs âmes."
Ce journal a été découvert dans la forêt de Chrobry sur les restes d'un officier croate par le Chevalier De Fronsac.